SAID SOUDJAY : L'interview
Quand as-tu débuté à la LIR ?
J’ai débuté l’impro avec la LIR en octobre 2003.
Quels sont tes premiers souvenirs à l’impro ?
Je me souviens surtout très bien des personnes avec qui j’ai commencé : il y avait Jean-Laurent Faubourg, Bernard Pade, Boris Domitile, Jérémy Ménerlac, et Lisiane Alicalapa qui fait maintenant du one woman-show. J’aime à le rappeler : Boris a été mon premier coach en impro et ça, ça ne s’oublie pas.
Te souviens-tu de ta première scène ?
J’avais à peine une semaine d’entraînement : je suis arrivé le lundi à l’entraînement et le samedi il y avait un match alors on m’a demandé de compléter l’équipe. À l’époque, il y avait 2 équipes sur l’île : les Sud Impros et les Rêveurs de Conflore (aujourd’hui Les Rêveurs). Le premier match s’est joué à Lucet Langenier à St Pierre avec les Sud Impros. Ce qui était bizarre c’est que c’était mon premier match, je découvrais l’impro et j’ai reçu une étoile d’argent… Mais je ne comprenais pas trop le concept de l’étoile ! Moi ce qui m'amusait c’était de jouer à ce moment-là et ça s’était très bien passé, c’était un super match ! J’en garde un excellent souvenir parce que c’était mon tout premier match avec des gens qui sont partis de la LIR depuis.
Qu’est-ce que t’apporte l’impro dans ton quotidien ?
Beaucoup d’assurance surtout en terme de posture, de positionnement, de conviction et dans ma relation aux autres : apprendre à écouter, à être attentif aux uns et aux autres. J’ai toujours pris l’impro comme un outil. C’est un outil qu’on aiguise au quotidien et je le considère vraiment comme quelque chose de très positif dans ma vie personnelle.
As-tu des mentors ?
Celui avec qui j’ai découvert l’impro, Jean-Laurent Faubourg, et aussi Papi qui m’a apporté plein de choses dans l’organisation de l’impro et de la Ligue d’Improvisation Réunionnaise. J’avais retravaillé la structuration de la Ligue avec Papi et Jean-Laurent.
Papi venait souvent à la Réunion ou c’est vous qui alliez en métropole ?
On le faisait venir à la LIR, toujours dans un but précis. Ce n’était pas forcément pour animer des ateliers, car à l’époque Papi était le président du Déclic Théâtre et on voulait qu’il nous partage son expérience et sa connaissance de son association et sa structuration. Papi a participé avec Thomas Gerdil (décédé depuis) à la naissance de la LIR. On voulait qu’il apporte son expertise à la Réunion parce que la Ligue commençait à avoir une belle éclosion sur l’île. On l’a fait venir deux ou trois années je crois, et on a retravaillé avec lui les statuts de la Ligue, le travail en réseau avec les mairies, et aussi le format du FERIIR. La première charte du FERIIR a été rédigée avec lui lorsque Jean Laurent était à la présidence de la LIR. On a aussi identifié les objectifs de la LIR, notamment son inscription dans les quartiers et comment amener les habitants des quartiers à venir à l’impro.
À l’époque la LIR était totalement gérée par des bénévoles. Ce n’est plus le cas aujourd’hui et cette évolution est nécessaire quand on voit le développement de l’association. Certains postes devraient certainement être professionnalisés. Le fonctionnement de la LIR est aussi particulier, avec une adhésion qui était à 20€ l’année où j’ai commencé,aujourd’hui on est passé à 50€ par an. Le bénévolat implique beaucoup de choses en termes d’état d’esprit et de dynamique. On a également profité de l’expérience de Papi par rapport à la place de l’association vis-à-vis des mairies. À l’époque on a commencé à mettre en place les «quartiers impro» : on intervenait dans les quartiers en mettant en place des ateliers d’impro. On s’est concentré sur St Denis, qui a été le premier partenaire de ce projet. On a travaillé dans 3 quartiers différents et ça fonctionnait plutôt bien. Ça a duré 3 ans. On a finalement dû arrêter par manque de bénévoles. Mais ça avait très bien fonctionné. J’en garde un excellent souvenir, d’ailleurs je revois encore certains jeunes, devenus adultes maintenant, qui avaient participé à ces ateliers !
Quand tu as débuté, vous étiez combien de personnes ?
A la Ligue, dans mon souvenir nous étions une dizaine de personnes et je me souviens de la tête de chacun, peut-être pas de tous les noms mais je crois que je pourrais encore citer plus de la moitié des personnes qui étaient à l’asso à ce moment-là !
Et c’était cette dizaine de personnes qui proposait les ateliers ?
Non, quand je suis arrivé à la Ligue, c’était plus histoire de développer l’improvisation théâtrale mais on le faisait vraiment pour le plaisir de jouer ensemble. Il n’y avait aucune ambition particulière. Au départ il n’y avait que 2 équipes, puis il y a eu les Facteurs et d’autres équipes par la suite. Le développement s’est fait petit à petit, ça a pris du temps. Pour mon premier match, il y avait 5 personnes dans la salle, je pouvais les compter ! On invitait des amis à nous à venir nous voir jouer. On allait coller des affiches sur les arbres, dans les quartiers pour pouvoir avoir du public et on traînait à peine 10 personnes grand maximum dans une salle ! C’étaient vraiment les prémices de l’improvisation théâtrale qu’on a aujourd’hui à La Réunion. Quand on a commencé dans les quartiers, c’était quelques années plus tard, on avait à peine une cinquantaine d’adhésions à ce moment-là. C’est venu parce que dès le départ, quand j’ai commencé l’impro avec Jean-Laurent, il y avait une volonté d’aller vers les quartiers, vers les jeunes, de développer l’impro pour le public local. Il y avait cette volonté-là et pour nous, toucher le public local, ça veut dire aller dans les quartiers un peu défavorisés, donc on allait dans les Camélias, au Moufia,… On allait jouer dans ces quartiers-là pour développer un peu plus l’impro mais sans dire qu’on allait faire exploser l’activité. C’était surtout pour toucher un public qui ne venait pas forcément voir des spectacles en dehors de leur quartier, de leur milieu.
Aurais-tu des conseils de vidéos, sites internet, livres concernant l’impro ?
“Jeux et enjeux” de Marc Jane. J’ai beaucoup appris à travers ce livre. Sinon j’aime bien citer Eddy Grondin parce qu’à travers son blog il propose beaucoup de choses sur l’impro. Eddy est arrivé à l’impro en amenant quelque chose d’assez particulier. Il a un regard sur l’impro que j’aime beaucoup et que je partage. Je trouve très intéressant tout ce qu’il peut partager, lui, autour de l’impro, les articles, les vidéos… et des fois c’est très intéressant de l’écouter parler de l’impro. Mais bon des fois je le perds !..
Hormis mon expérience personnelle je n’ai pas quelque chose de particulier à partager parce que je n’en ai pas fait mon métier, ça a été une activité secondaire dans ma vie personnelle même si ça m’a beaucoup servi, mais je n’en ai pas fait quelque chose qui est devenu primordial et je n’ai pas dû tout arrêter pour pouvoir en vivre. Mais je suis vraiment content de cela malgré tout. Et je sais avec qui en parler : Eddy, Jean-Laurent (même s’il ne fait plus partie de la Ligue) François, Stéphane, Emilie, Francis… Ce sont des gens qui ont amené une touche spéciale à l’impro et ils sont toujours là malgré les années qui passent. Il y a aussi ceux avec qui j’ai débuté, je pense à Boris et Keng-Sam. Ce sont des personnes avec qui j’ai débuté l’impro et qui ont fait en sorte que l’impro ait la place qu’elle a aujourd’hui. Avec Keng-Sam c’est une relation de longue date qui a permis de faire naître de supers projets pour la LIR, notamment le FERIIR. Mais à côté il a su développer l’impro pour en faire un art qui a pris de plus en plus de place dans le paysage culturel local. Je pense à la Nuit de l’Impro et au Oui et Même Que. Il a le cerveau qui va trop vite pour moi, mais il faut reconnaître qu’on a eu besoin de cette dynamique qui l’anime pour que l’impro en soit là aujourd’hui !
Quelles sont pour toi les plus belles valeurs de la LIR ?
Pour moi c’est l’ouverture. On a à peu près 300 adhésions cette année et je connais les difficultés que les équipes rencontrent pour accepter encore de nouvelles personnes, pour fédérer un groupe, faire en sorte de trouver des lieux d’entraînement… J’ai fait des entraînements avec 20 personnes, ça fait beaucoup de monde ! J’espère que malgré tout on trouvera le moyen de ne refuser personne à l’impro, parce que je me dis qu’on pourrait passer à côté d’une personne qui nous aiderait à développer davantage cet art. C’est cette ouverture-là que je prônais à la LIR. Moi on m’a donné une place, peut-être parce qu’on n’était pas suffisamment nombreux à l’époque, toujours est-il que des gens comme Eddy sont arrivés parce qu’on a laissé la porte ouverte, et il y a d’autres exemples dans le Sud et l’Ouest. Si on avait dit à ces personnes-là «Bah finalement non, c’est plus possible, on est déjà complet, ne venez plus», peut-être qu’on serait passé à côté de belles personnes, de belles rencontres.
La LIR a beaucoup changé entre tes débuts et maintenant, tu en penses quoi ?
Je trouve ça très bien. Je ne peux qu’applaudir les actions de chacun pour valoriser ce travail-là. J’applaudis le travail que mène Julien Hoarau à la LIR. Je sais la place qu’il a pris en tant que président, j’admire vraiment son travail et je vois bien comment ça explose aujourd’hui. Tant mieux, on est certainement victime de notre succès, mais maintenant on joue dans des belles salles et au Teat Plein Air, qui aurait parié ça ?! On le remplit à chaque fois qu’on y joue. C‘est le fruit d’années de travail de fond mené par l’ensemble des bénévoles de la LIR.
Moi au début je jouais dans des salles communales : on mettait des chaises, des bancs, on installait nous-mêmes les décors, on faisait tout ! C’est-à-dire que ceux qui jouaient étaient ceux qui préparaient la salle. C’était ça la galère de faire de l’impro. Aujourd’hui on a gagné en confort, quand on fait un spectacle une trentaine de personnes se déplacent pour aider bénévolement. Peu d’associations arrivent à faire ça ! À la LIR on est capable de ça et on est l’exemple de beaucoup d’associations en métropole. Moi je n’arrête pas de le répéter mais on a n’a pas à rougir de ce qu’on fait et de ce qu’on est ! La LIR est reconnue en dehors de La Réunion ; lorsque je vais dans des colloques ou des séminaires où on parle d’impro, on évoque régulièrement la LIR et son fonctionnement, qui est particulier et qui mobilise tant de bénévoles. Ce n’est pas donné à tout le monde de pouvoir faire ça.
Je pense que la dynamique est sauvegardée parce qu’il y a des gens qui sont à la tête de la LIR et qui arrivent à fédérer, à formaliser des choses et à faire en sorte que la LIR continue à exploser de cette façon-là ! On a désormais notre place dans le paysage local. Avant, il a fallu négocier des salles, des possibilités de s’entraîner, des créneaux horaires, la possibilité de jouer… L’impro à l’époque c’était un combat ! Aujourd’hui on gère beaucoup plus facilement, certainement grâce aux gens qui sont passés avant et qui ont fait en sorte que la LIR ait cette place aujourd’hui. Moi je n’arrête pas de rappeler à mes camarades d’où on vient !
Quels seraient tes meilleurs souvenirs ?!
J’ai de très bons souvenirs, je ne sais pas si ce sont les meilleurs ! J’ai des souvenirs du premier FERIIR, de mon premier match, de mon premier entraînement, de mes coachings qui m’ont permis de rencontrer celle qui partage ma vie aujourd’hui, Sophie. Sophie est un soutien très précieux pour moi lorsqu’il s’agit de parler impro. Je l’ai vue débuter, je l’ai entraînée et aujourd’hui c’est elle que je cite en exemple, sachant d’où elle est partie pour devenir l’improvisatrice qu’elle est aujourd’hui. J’ai donc plein de souvenirs ! J’ai aussi des mauvais souvenirs liés à l’impro (rires). L’impro c’est une place particulière dans ma vie !
Le Trophée Impro Jeunes reste aussi un moment fort pour moi. La première participation de la LIR à ce trophée est un événement que je ne peux oublier. C’est un projet travaillé depuis au moins 10 ans avec Keng-Sam et Papi, pour que la LIR puisse être présente dans le trophée. Qui aurait imaginé qu’on aurait accompagné des jeunes réunionnais à la Comédie Française pour faire de l’impro ? Julien et Julie ont depuis réussi à porter ce projet au-delà de nos espérances avec l’ensemble des intervenants dans les différents collèges. Aujourd’hui les jeunes ont une place beaucoup plus importante à la LIR et je ne peux que m’en réjouir.
Depuis peu, j’ai l’impression que tout ce qui arrive ce sont déjà de très beaux souvenirs à construire, car je sais que je vais quitter l’île et j’ai l’impression que je vais garder en mémoire tout ce qui arrive en ce moment comme si ça avait plus de valeur que ce que j’ai déjà vécu ! Mais mes meilleurs souvenirs ça serait peut-être de dire que j’ai rencontré mes meilleurs potes à l’impro !
Quels seraient les conseils que tu donnerais à quelqu’un qui débute ?
A quelqu’un qui débute, le conseil que je lui donnerais c’est que s’il est venu chercher quelque chose en particulier, il peut repartir d’où il vient ! (Rires)
Je donne un exemple : quelqu’un qui vient pour vaincre sa timidité ou pour pouvoir parler en public… Je ne sais pas « traiter » cela. Certaines personnes viennent avec des objectifs bien précis à l’impro mais pour moi ça ne sert à rien ! Parce que ça va se construire petit à petit, et il y a des choses qu’on vient chercher et qu’on ne va jamais trouver parce qu’on est justement venu chercher que ça. Alors que si on se donne la liberté d’expérimenter, de laisser émerger d’autres choses en soi, je pense qu’on va découvrir d’autres choses. On va même se redécouvrir !
Moi je me suis redécouvert à l’impro et grâce à l’impro. Je ne pensais pas être capable de faire certaines choses et je me rends compte que je suis capable de les faire grâce à l’impro. Ne serait-ce que monter sur scène, ce n’est pas donné à tout le monde ! Et moi c’est l’impro qui m’a permis ça ! Parler en public, je ne dis pas que c’est facile, mais pour moi c’est passé par l’impro. Prendre part à des discussions et m’affirmer un peu plus, je sais que c’est l’impro qui m’a aidé à cela. Et je n’étais pas venu chercher ça : moi au départ j’étais juste venu parce qu’on m’a dit « Viens essayer l’activité ». Je n’étais pas venu chercher grand-chose en fait, et je ressors de là en me disant “j’ai l’impression que ça, ça devient facile !”.
Certains sont venus en disant « je cherche à vaincre ma timidité » je leur dis « moi je ne sais pas régler ce problème-là ! Je ne fais pas de l’impro pour ça par contre je vais t’aider à t’amuser, à faire plein d’autres choses et sans doute derrière tu découvriras que ta timidité sera partie ! ».
Donc le seul conseil que je donne c’est « Venez et laissez-vous porter par ce qui va se passer à l’impro ».
Souhaiterais-tu rajouter quelque chose avant la dernière question ?
Oui ! J’ai de grands remerciements à faire à mon équipe, Les Rêveurs, parce que c’est l’équipe la plus ancienne de la Ligue. Et surtout à ceux qui m’accompagnent depuis le début dans cette équipe, il y a des gens avec qui j’ai partagé de supers moments et… C’est bizarre je pense à Lisa en disant cela parce que c’est celle avec qui j’ai quasiment fait le plus de folies à l’impro, le plus de jeux, et c’est celle avec qui j’ai partagé beaucoup de temps de jeu avec les Rêveurs. Lisa c’est celle qui a vécu avec moi ces « mauvais souvenirs » que je garde de l’impro. C’est celle qui est restée là, même quand l’équipe a failli perdre de son dynamisme, même quand moi je n’avais plus envie. Et c’est celle qui nous a permis de relever la tête, pour faire des Rêveurs une équipe bien ancrée à la LIR.
Et puis il y a mon Doc (c’est comme ça que j’appelle Carole Berkenbaum) qui a été un soutien important lorsqu’elle était secrétaire de la LIR. Son avis et son regard sur la LIR comptent aussi pour moi, même si elle n’est plus à La Réunion, car elle a participé à cette éclosion de l’association et du FERIIR. Je pourrais aussi citer quasiment tous ceux de mon équipe mais je vais m’attarder simplement sur Cynthia, Philippe et Renaud qui m’ont accompagné avec beaucoup de bienveillance et d’enthousiasme lorsque j’étais à la présidence de la LIR. Ils m’ont encouragé, boosté, freiné, remonté les bretelles... Et ils ont surtout donné de leur temps sans compter pour me permettre d’assurer une présidence des plus confortables.
En un mot la LIR c’est… tout ! Et l’impro c’est… tout aussi !
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